Accueil » Actualités » L’adoption juridique est centenaire

L’adoption juridique est centenaire

Il y a cent ans, le 19 juin 1923, était promulguée la loi qui a donné aux Français le droit d’adopter un enfant.
Certes, le Code Civil de 1804 contenait un chapitre consacré à l’adoption. Mais c’était une adoption exigeant que des conditions exceptionnelles soient réunies.

Qu’on en juge. L’adoptant, dépourvu de descendance, devait être âgé de plus de cinquante ans. L’adoption ne pouvait en aucun cas avoir lieu avant la majorité de l’adopté et si celui-ci, ayant encore ses père et mère, ou tout au moins l’un d’eux, n’avait pas encore atteint ses vingt-cinq ans, il était tenu d’obtenir leur consentement (après vingt-cinq ans, il lui suffisait de “requérir leur conseil” !).

De toute façon, la faculté d’adoption ne pouvait être exercée qu’en faveur de celui à qui l’adoptant avait fourni des secours et donné des soins ininterrompus durant sa minorité et pendant six ans au moins (à moins que l’adopté n’ait sauvé la vie de l’adoptant).

En bref, il s’agissait d’une adoption taillée sur mesure pour Bonaparte, qui avait exigé son insertion dans le Code Civil parce qu’il songeait alors à en user en faveur d’Eugène de Beauharnais, le fils de son épouse…

En fait, cette singulière adoption ne devait servir, durant tout le XIXème siècle, qu’à quelques familles fortunées, dépourvues d’enfant et qui en usaient pour transférer leur patrimoine à un neveu ou un cousin en évitant les droits de succession. Elle était ignorée de la masse des Français.

Il fallut l’hécatombe de la grande guerre
pour que cette étrange situation prenne fin.

Un article paru dans le précédent numéro des Annales de l’Œuvre a opportunément rappelé que le premier conflit mondial avait, en France, plongé dans la détresse 986 000 orphelins. En faveur de ceux-ci, la loi du 27 juin 1917 avait créé le statut de “pupille de la nation” qui les faisait bénéficier d’un certain nombre de secours et d’avantages. C’était une mesure appréciable. Elle restait cependant insuffisante. Il était infiniment souhaitable qu’une partie au moins de ces orphelins retrouve une famille. C’est cette réalité qui fut à l’origine de la loi du 19 juin 1923.

Celle-ci a réécrit le chapitre du Code Civil traitant de l’adoption.

Sans doute certaines personnes feront-elles la remarque que le texte de 1923 comportait encore des exigences qui paraîtraient aujourd’hui insupportables. L’adoption n’était en effet ouverte qu’aux personnes de plus de quarante ans. Mais le texte était innovant par ailleurs en décidant qu’un Français pouvait adopter un étranger ou être adopté par lui et en précisant que l’adoption n’entraînait pas pour l’adopté un changement de nationalité.

L’immense progrès réalisé par la loi tenait au fait que l’adopté pouvait être désormais un mineur, le consentement à l’adoption étant donné par le conseil de famille lorsque l’enfant avait perdu ses père et mère.

Objectera-t-on que la loi de 1923 ne permettait que l’adoption simple ? Sans doute, si on ne voit dans celle-ci que des inconvénients. Mais on peut tout aussi bien, avec toute une partie de la Doctrine, souligner objectivement les avantages qu’elle présente et qui ont été trop perdus de vue à l’époque contemporaine.

En tout cas, indiscutablement, c’est la loi du 19 juin 1923 qui a réintroduit l’adoption dans notre droit en lui redonnant le statut d’une véritable institution et c’est cette loi qui a permis de réaliser, entre les deux guerres mondiales, l’adoption de nombre d’orphelins.

Il convenait de le rappeler et de s’en réjouir.

Photo © Ron Lach